Une prime à la performance collective finalement peu motivante et à contre-temps

Le décret instaurant une prime à la performance collective dans la fonction publique territoriale, annoncé depuis de nombreux mois par le gouvernement sortant, est paru in extremis le 3 mai 2012. Il suscite peu d’enthousiasme, tant de la part des syndicats que des DRH de collectivités.

La rémunération à la performance s’inscrit désormais totalement dans le paysage des collectivités territoriales. Après l’instauration de la PFR (Prime de fonctions et de résultats) dans une circulaire du 27 septembre 2010, c’est au tour de l’intéressement collectif d’entrer en vigueur.
Le décret (1), sur la prime d’intéressement à la performance collective des services dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics, a été publié au Journal Officiel le 3 mai 2012.

Premières expériences dans les années 90 – Cette prime d’intéressement pourra s’intégrer au régime indemnitaire des collectivités locales. Elle concerne l’ensemble des agents ayant atteint sur une période de douze mois consécutifs les objectifs fixés au service dans lequel ils travaillent. Avec un objectif affiché pour le ministère de la fonction publique : fédérer les agents autour d’objectifs de performance collective et favoriser l’esprit d’équipe afin d’améliorer la qualité du service public. A chaque organe délibérant d’en fixer les critères d’attribution.

Seules quelques collectivités (Issy-les-Moulineaux en 1989, le Grand Lyon de 1992 à 1999) s’étaient jusque-là lancées dans la mise en place d’un intéressement collectif sur la base de la circulaire Rocard de 1989. Elles avaient dû faire machine arrière faute de pouvoir asseoir leur délibération sur une base réglementaire.

Le privé n’est pas le public – Reste que ce décret d’application n’était pas forcément attendu par les collectivités. Quelques DRH avouent même ne pas en voir l’intérêt ni les possibles applications.

Les syndicats sont, eux, franchement hostiles, dénonçant un alignement sur le privé. « La fonction publique remplit des missions d’intérêt général, avec des tâches qui ne sont pas mesurables, qui ne se valent pas toutes. On ne peut donc pas transposer la façon de piloter du secteur privé au secteur public. Par ailleurs, si l’enjeu est d’améliorer la qualité du service public, d’autres leviers doivent être sollicités : s’assurer que les agents disposent des outils pour exercer leur mission, sont formés ou que les projets sont mieux définis », explique Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU.

Même écho pour Claude Michel, de la Fédération CGT des services publics, qui refuse la logique de concurrence qu’implique une prime de performance, fût-elle collective.

Montant insuffisant – Etienne Desmet, directeur général adjoint des services en charge des RH à Versailles (Yvelines) est convaincu de l’intérêt d’une prime d’intéressement collectif. Pour lui, la difficulté est avant tout liée au calendrier. « Compte tenu des contraintes budgétaires, une grosse pression pèse déjà sur les régimes indemnitaires. Par ailleurs, la possibilité vient d’être ouverte aux collectivités de participer aux cotisations de leurs agents », commente-t-il.

Politiquement difficile à mettre en place, compte tenu d’un contexte économique difficile, la prime d’intéressement est paradoxalement jugée trop peu élevée. Son montant maximal a été fixé à 300 euros par an et par agent par le décret.

Or, selon Pierre Lesaint, chef de service à la direction des ressources humaines de la communauté urbaine de Lille (Nord), rémunérer les agents à la performance manque d’efficacité si les crédits sont insuffisants. « Un rapport de l’OCDE montre que les primes individuelles à la performance ne donnent pas de résultats si elles ne sont pas suffisamment élevées. On peut estimer qu’il en sera de même pour les primes collectives. Avec 300 euros, il s’agira davantage de récompenser les efforts ponctuels d’une équipe sur un projet, par exemple un changement de logiciel informatique ou la construction d’une nouvelle infrastructure sportive », estime-t-il.

Note 01:décret n° 2012-624, pris en application de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 – Retourner au texte

 

Source : La Gazette des Communes

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