La mission d’information du Sénat sur les agences de notation propose dans son rapport, rendu public le 19 juin 2012, d’expérimenter la certification de certains comptes des collectivités. Inquiète pour le financement de ces dernières, elle se prononce aussi pour l’émergence d’une nouvelle agence européenne.
« Il y a une interrogation majeure sur le financement des collectivités », s’inquiète Aymeri de Montesquiou (Union centriste et républicaine), rapporteur de la mission, qui prédit un afflux vers la notation pour pallier ces difficultés.
Selon l’Observatoire Finance active de la dette 2012, « les émissions obligataires auraient représenté 7,7 % des ressources de financement des collectivités locales, soit une part sensiblement supérieure à celle des années antérieures », rappelle le rapport. Et 2012 devrait voir cette proportion encore augmenter.
Or pour emprunter sur les marchés, il est nécessaire d’être noté. Alors qu’en 1990, seulement deux collectivités étaient notées, en 2012, elles sont 29, indique la mission d’information du Sénat. « En 20 ans, le nombre de collectivités notées à certes fortement progressé, mais sans que les agences de notation aient pénétré le marché [de leur] financement de manière décisive. »
Dans la période récente, deux mouvements contradictoires ont été observés avec un processus de « dénotation » de certains acteurs locaux pour « protester contre l’influence jugée négative des agences » et une augmentation du nombre d’appels d’offres lancé dans le but d’être noté (16 en 2011 et 8 à fin mars 2012).
Lien Etat-collectivités – Les sénateurs expriment certaines réserves concernant le fonctionnement de la notation des collectivités, notamment le fait que la note de l’Etat constitue un plafond « quelle que soit la qualité intrinsèque de la gestion » de celle-ci. L’Ile-de-France et Paris ont ainsi dégradé en début d’année par Standard & Poor’s à la suite de la perte du triple A de l’Etat.
La certification des comptes des collectivités par des chambres régionales des comptes ou la Cour elle-même, piste proposée récemment par Didier Migaud, serait selon la mission d’information un moyen de contourner ce problème. « La certification pourrait permettre d’aller vers une séparation des notes », explique Marie-Hélène des Esgaulx (UMP) qui a participé à cette mission et avoue ne pas accepter ce lien entre la note de l’Etat et celle des collectivités.
Le rapport relève aussi le coût et le temps que nécessite la notation, processus jugé « peu favorable » aux émissions groupées. Dans ce cas, « il y a un risque que la note prise en compte ne soit pas la moyenne pondérée du groupe, mais la plus mauvaise note, ce qui pénalise les mieux notés », regrette la sénatrice.
Afin d’améliorer cette situation, différentes solutions sont avancées, dont la possibilité de permettre à l’Agence France trésor d’émettre des obligations pour le compte des collectivités. Plusieurs questions sont à trancher à ce sujet, notamment de savoir si ce procédé n’atteindrait pas au principe constitutionnel de libre administration des collectivités, l’Etat pouvant ainsi réguler indirectement leur accès au crédit.
Deux autres effets sont évoqués par le rapport : une hausse des taux auxquels l’Etat se finance, même si le volume d’emprunt du secteur public local est limité, et, à l’inverse, des taux plus intéressants pour les collectivités. Cette structure qui deviendrait une « agence de la dette publique » devrait alors développer une activité nouvelle de prêt aux collectivités.
Agence publique – Les autres propositions des sénateurs concernent l’ensemble des entités notées, publique ou privée, avec en priorité la demande d’un appel à projets de la Commission européenne pour « encourager une ou plusieurs initiatives privées tendant à la création d’une nouvelle agence européenne de taille mondiale ».
Ils semblent plus sceptiques quant à la création d’une agence publique à l’échelle de l’Europe, piste « la moins susceptible de prospérer » dans le contexte actuel, du fait du risque de conflits d’intérêts : « elle noterait notamment les Etats ayant suscité sa naissance et la finançant. »
Plus hypothétique, la mission suggère que la Banque de France, comme les autres banques centrales, publient les notes qu’elles élaborent. Pour les banques commerciales, elle avance l’idée qu’elles transmettent leurs notes à un organisme public européen qui les agrègerait pour publier un indicateur stratégique.
Plan européen – Les membres de la mission rappellent que leurs propositions, votées à l’unanimité, sont « souvent sur la ligne des grandes options défendues par la Commission et le Parlement européens », alors même qu’une modification du règlement de l’Union sur les agences de notation est en cours.
La commission des affaires économiques du Parlement européen devait se prononcer également le 19 juin 2012 sur un plan européen, élaboré par le commissaire au marché intérieur et aux services Michel Barnier, intégrant trois objectifs : réglementer la manière dont les agences de notation évaluent la dette souveraine, affaiblir la domination des trois grandes agences et réduire l’ampleur des conflits d’intérêts.
Le projet de rapport de Leonardo Domenici (Alliance progressiste des socialistes et démocrates, Italie) amende notamment le texte afin que le recours à des notations ne provoque pas des réactions automatiques en cas de dégradation d’instruments de la dette, que ceux-ci soient publics ou privés. Et ainsi que les collectivités territoriales ne soient pas automatiquement dégradées, alors que leur situation financière est saine.
Références : Synthèse du rapport de la mission d’information du Sénat sur les agences de notation – juin 2012
Source : Lagazette.fr
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