RMC : Le gouvernement prépare une réforme des retraites qui devrait mettre à contribution les salariés du secteur public – la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine l’a redit ce week-end. Sur ce sujet, votre parti pris : non, les fonctionnaires ne sont pas des nantis ! Que voulez-vous dire ?
Hervé Gattegno : C’est l’une des grandes divisions de notre pays : Paris et la province, la gauche et la droite, le bordeaux ou le bourgogne… Il y a de l’irrationnel et des idées reçues dans ces rivalités, et c’est le cas dans ce face-à-face électrique qui oppose les agents publics aux salariés du privé. Or, c’est vrai que les fonctionnaires ont jusqu’ici des avantages pour leur retraite, mais, pour autant, ils ne sont plus des privilégiés – s’ils l’ont jamais été. Donc, si l’on veut qu’ils adhèrent à la réforme, il vaut mieux miser sur la solidarité que sur la culpabilité…
Qu’est-ce qui explique, selon vous, le cliché français sur les avantages de la fonction publique ?
La fameuse « sécurité de l’emploi » : les fonctionnaires savent qu’ils ne peuvent pas perdre leur emploi – avec le chômage de masse, c’est un atout social et psychologique énorme. Mais il y a aussi le tempérament jaloux des Français, qui envient le voisin, mais détestent partager ce qu’ils ont – tout le monde veut une école et une police performantes, mais personne ne veut qu’on recrute… Le statut protecteur des agents publics ne dérangeait personne quand il servait à compenser le fait qu’ils étaient mal payés au départ et avaient peu de marge de progression. D’où le mode de calcul de la retraite sur les six derniers mois, qui était aussi une compensation et qui maintenant a l’air d’un privilège.
Mais cette compensation n’a plus vraiment de raison d’être… Est-ce qu’il ne faudrait pas simplement dire que les fonctionnaires doivent contribuer à l’effort pour sauver les retraites ?
C’est ce qu’essaie de faire Marisol Touraine, mais le débat est piégé : en appeler aux fonctionnaires, c’est induire qu’ils auraient des avantages indus, ce qui a pour effet immédiat de crisper tout le monde : les syndicats vont se sentir obligés de défendre les acquis, les salariés vont se trouver lésés, le patronat va en profiter pour taper sur les dépenses de l’État (les retraites du public en sont une colossale), et la gauche de la gauche pour accuser François Hollande de trahir son électorat. En réalité, sur la durée et le niveau des cotisations comme sur l’âge de départ, les réformes précédentes ont déjà acté le principe de l’alignement.
L’UMP soupçonne le gouvernement de ne pas être prêt à aller jusqu’au bout par peur d’une confrontation avec les fonctionnaires. Ça vous paraît vraisemblable ?
Le gouvernement est pris entre le marteau de la commission de Bruxelles (qui exige la réforme) et l’enclume des syndicats (autre grand atout des fonctionnaires : des syndicats puissants). Mais les conservatismes sont tels que toutes les solutions sont impopulaires – si bien qu’il faudrait les retenir toutes : allongement et hausse des cotisations, taxation des retraités, voire limitation des pensions. Le fait est que salariés, fonctionnaires et retraités sont dans le même bateau, dont la coque est vermoulue. Raison de plus pour ne pas laisser le discours sur les fonctionnaires nantis alimenter un discours anti-fonctionnaires…
Source : Lepoint.fr
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